Une étude à partir du cas des travailleurs saisonniers marocains en contrat OFII
Recherche doctorale menée par Anouk Smolski (Centre Max Weber – Université Lyon 2)
Financement : CNRS/InSHS
Accueillie comme stagiaire au sein du GISCOPE 84 à deux reprises (en 2021 et 2022), Anouk Smolski, alors étudiante à l’Institut des Études sur le Travail de Lyon (IETL), a réalisé un remarquable mémoire de fin d’étude intitulé « Précarité multidimensionnelle et cancers d’origine professionnelle : la double peine des saisonniers maghrébins sous contrat OFII ». Ce mémoire, constitué notamment d’une étude approfondie de quatre parcours de saisonniers OFII désormais malades du travail, a permis d’objectiver les impacts sanitaires des transformations structurelles qui ont touché le secteur agricole au cours du 20e siècle. Dans un contexte de libéralisation, de mise en concurrence à grande échelle des producteurs et de montée en puissance de la grande distribution, la nécessité d’abaisser les coûts de production est devenu un leitmotiv du secteur agricole qui s’est largement répercuté sur les conditions de travail et de rémunération de sa main d’œuvre. L’embauche d’ouvriers saisonniers étrangers en contrat OFII, souvent allophones et ignorants des arcanes du droit du travail français, s’est révélée être, à partir des années 1960’s, une alternative profitable pour de nombreux chefs d’exploitation (notamment dans les secteurs maraîchers et arboricoles du sud de la France), en ce qu’elle leur a permis de disposer d’une main d’œuvre volontaire et docile qui, eu égard aux écarts de salaire existant entre la France et leur pays d’origine, avait (et a toujours) un intérêt objectif à venir s’employer dans les cultures françaises malgré les difficiles conditions de travail.
L’étude des parcours professionnels et de santé de ces quatre saisonniers OFII a permis de mettre en évidence les multiples atteintes subies pendant leur carrière professionnelle (expositions répétées aux pesticides, absence d’EPI, logements dégradés sur les exploitations, non-paiement des heures supplémentaires, etc.), mais aussi celles subies, à l’issue de celles-ci, en termes d’accès aux soins et aux droits sociaux qui sont les leurs. Différentes dimensions sous-tendant ce phénomène ont pu être identifiées, comme la progressive dématérialisation des services publics, ou la persistance de la croyance au sein du corps médical en un « syndrome méditerranéen » menant à des situations avérées d’errance médicale, entre autres. L’objectivation de ces différentes problématiques a finalement permis de démontrer la pertinence du dispositif GISCOPE 84 et de souligner l’utilité de l’accompagnement administratif, social et médical que celui-ci fournit pour permettre aux patient·e·s d’accéder à leur droit à la reconnaissance en maladie professionnelle. Les deux saisonniers OFII issus de l’enquête GISCOPE 84 et dont le cas a été étudié dans le cadre de ce mémoire ont, grâce au suivi assuré par le dispositif, obtenu la reconnaissance en maladie professionnelle de leurs cancers.
A la suite de ce premier travail de recherche, Anouk a élaboré deux projets distincts articulant les enjeux liés au travail, à la santé et à la migration et obtenu un contrat doctoral CNRS-InSHS, qui lui permet de réaliser son travail de terrain au Maroc, pays d’origine d’une grande partie des contrats OFII dans les Bouches du- Rhône et le Vaucluse, dans de bonnes conditions. Sur le terrain depuis février 2023, elle a d’ores et déjà pu rencontrer d’anciens ouvriers agricoles OFII dans leurs douars/villages d’origines et a pu commencer à enquêter sur les problématiques spécifiques de santé et d’accès aux droits que ceux-ci rencontrent.