Coordination : Cécile Durand (CNE/Avignon Université) & Moritz Hunsmann (CNE/CNRS)
Financement : Ministère de la Santé et de la Prévention & Caisse Nationale d’Assurance Maladie (2024-2025)
En France, la Sécurité sociale estime que seulement 2 ou 3 % des cancers d’origine professionnelle sont reconnus en maladie professionnelle. En 2020 comme en 2021, environ 1 600 cancers ont été reconnus en maladie professionnelle. Or, une commission spécialisée de la Sécurité sociale estime que, chaque année, entre 50 700 et 80 400 cas incidents de cancers d’origine professionnelle ne sont pas reconnus comme tels (Sécurité sociale, 2021). Entre 97% et 98% des cancers professionnels restent donc non reconnus et socialement invisibles pour les acteurs/trices de la santé publique comme pour les personnes qui en sont atteintes.
Par ailleurs, alors que l’identification d’une possible origine professionnelle du cancer et l’accompagnement des personnes éligibles à la reconnaissance en maladie professionnelle devrait faire partie intégrante de la prise en charge globale des patient.es atteint.es de cancer, cette dimension est généralement absente de leur parcours de soins. Les rares patient.es qui décident d’engager une déclaration de maladie professionnelle se retrouvent le plus souvent démunis face à la complexité des procédures administratives dont elles/ils ignorent les étapes et les règles, à leur caractère restrictif ou encore leur longueur. Ce double « parcours du combattant » – contre le cancer et pour leur reconnaissance en maladie professionnelle – entraîne un taux d’abandon très élevé de la procédure de déclaration.
L’accès des patient.es atteint.es de cancer au droit à la reconnaissance en maladie professionnelle est donc aujourd’hui largement ineffectif. Comme le montrent les résultats du Groupement d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle et environnementale dans le Vaucluse (GISCOPE 84), ceci est tout particulièrement le cas pour les femmes et les personnes ayant eu des carrières fragmentées, marquées par une précarité dans l’emploi. En effet, les femmes sont moins souvent orientées vers des démarches de déclaration en maladie professionnelle que les hommes, quand elles sont orientées, elles s’y engagent bien moins souvent et leur cancer est beaucoup moins fréquemment reconnu comme étant d’origine professionnelle. Rappelons ici que la grande majorité des personnes exposées aux cancérogènes sur leurs lieux de travail – et donc des patient.es atteint.es de cancers professionnels – sont des ouvrières et ouvriers. Une bonne partie des patient.es atteint.es de cancer professionnel sont des personnes cumulant des formes multiples de vulnérabilité (économique, sociale, linguistique, etc.) et relativement éloignées à la fois du système de soins et des dispositifs administratifs tels que la démarche de déclaration de maladie professionnelle. Cette forte stratification sociale des expositions professionnelles aux cancérogènes et de leurs conséquences fait des cancers d’origine professionnelle un enjeu majeur de démocratie sanitaire.