Coordination : Judith Wolf (CNE/CNRS) et Sylvain Bertschy (LEST/CNRS)
Financement : Fondation de France (2024 – 2025)
Introduction : S’il est aujourd’hui admis que les rapports de genre constituent un déterminant clé des inégalités de santé, les recherches adoptant résolument une perspective de genre demeurent rares en France. Ce déficit est particulièrement net en matière de santé au travail où tout se passe comme si les inégalités entre hommes et femmes s’exerçaient au seul détriment des premiers. En dépit de situations socio-économiques souvent plus dégradées, les femmes présentent une espérance de vie moyenne supérieure de presque six années à celle des hommes et leur taux de mortalité est plus faible. Si l’idée d’un « avantage » féminin en matière de santé mérite d’être discutée, tant les situations de désavantage touchant spécifiquement les femmes sont nombreuses, qu’en est-il en matière de santé au travail – et de cancers professionnels en particulier ?
D’après les analyses du ministère du travail, “les hommes sont beaucoup plus fréquemment exposés aux cancérogènes chimiques que les femmes, puisqu’ils représentent neuf salariés exposés sur dix ; 19 % des hommes sont concernés, contre 3 % des femmes salariées”. Ces chiffres, décrivent-ils la réalité des expositions cancérogènes au travail – ou sont-ils avant tout le reflet de difficultés structurelles à rendre visibles les expositions professionnelles aux cancérogènes subies par les femmes ?
Ce projet prend appui sur les premières analyses publiés par le GISCOPE 84 (Droit Social, 2023), qui pointent une invisibilisation des expositions professionnelles subies par les femmes et des cancers qui en résultent : les femmes sont moins souvent orientées vers des démarches de déclaration en maladie professionnelle que les hommes, elles s’y engagent bien moins souvent et leur cancer est beaucoup moins fréquemment reconnu comme étant d’origine professionnelle.
Objectifs : Ce projet entend montrer que le constat d’un « avantage féminin » en matière d’exposition professionnelle aux cancérogènes n’a rien d’une évidence et qu’il repose, pour une large part, sur l’absence de connaissances des risques et des expositions spécifiques aux activités de travail exercées majoritairement par des femmes. Il vise à analyser les mécanismes d’invisibilisation des inégalités structurelles de genre face aux expositions cancérogènes au travail et à la reconnaissance des cancers du sang en maladie professionnelle. Pour y parvenir, il entend explorer en priorité les parcours biographiques et professionnels de travailleurs et travailleuses du nettoyage atteint.es de cancers hématologiques.
Champ d’activité fortement féminisé, le nettoyage est un bon lieu d’observation pour comprendre comment les expositions ordinaires subies par les travailleurs et travailleuses échappent aux dispositifs censés les identifier, les prévenir et en « réparer » les conséquences sanitaires (par la reconnaissance en maladie professionnelle). Ainsi, ce projet se propose d’atteindre quatre objectifs :
1) Comprendre le rôle et la place qu’occupent les activités de nettoyage dans la vie professionnelle des hommes et des femmes qui les exercent.
2) Identifier et décrire les expositions cancérogènes encore largement invisibles dans un domaine d’activité en plein essor et analyser comment les différences dans les parcours de travail entre hommes et femmes aboutissent à des profils d’exposition professionnelle différenciés.
3) Questionner la production des données et la construction des outils statistiques qui rendent (partiellement) invisibles les expositions professionnelles aux cancérogènes subies par les femmes, ainsi que leurs conséquences sanitaires.
4) Saisir les effets – sanitaires et en termes d’accès aux droits à la reconnaissance en maladie professionnelle – des expositions subies par les femmes atteintes de cancer, sur leur vie personnelle et professionnelle.
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Visionner l’audition au Sénat sur la santé des femmes au travail – la table ronde sur les métiers féminisés, secteurs de la grande distribution et du ménage à laquelle a participé le GT nettoyage du GISCOPE 84 (6 avril 2023) :
Télécharger le rapport d’information du Sénat sur la santé des femmes au travail issu des différentes auditions (27 juin 2023) :
Télécharger l’avis de l’ANSES (rapport d’expertise collective) : Leucémies myéloïdes en lien avec l’exposition professionnelle au formaldéhyde (février 2023) :
Télécharger le poster sur les expositions liées aux métiers du nettoyage présenté au 37e congrès national de médecine et santé au travail à Montpellier (4-7 juin 2024) :
